Mahamat Saleh Haroun avait dit qu'il monterait les marches pour rappeler que l'Afrique faisait partie de l'humanité. Il les a redescendues avec un prix du jury qui prouve que le continent noir, non seulement participe de l'humanité mais a sa place dans le monde du cinéma.
"Dans mon pays, on fait des films comme des plats qu'on mijote à ceux qu'on aime" a-t-il dit, trophée à la main. Quelques jours avant, il avait comparé son art à la fabrication de petits pains. Cette modestie métaphorique est à l'image d'une oeuvre sans grands moyens et qui pourtant, contient de quoi nourrir - le ventre, oui, mais aussi le coeur, l'esprit et l'imaginaire..
Justement, c'est jour de marché devant le port. Pas de légumes ni de fruits ni de poissons, mais des sculptures de bois, des peintures dominicales et des objets hétéroclites. La Croisette, elle, s'est débarrassée de ses atours et de ses affiches, elle a remis en bonne marche son petit manège de chevaux de bois - et les seules files d'attente désormais sont devant le marchand de glaces. Il n'a fallu qu'une nuit pour que la ville retrouve ses douces allures provinciales.
Les Cannois se sont réappropriés leur ville et les festivaliers, tirant leurs valises comme des voleurs, semblent prendre la fuite. Le Palais, monstre immuable, a l'air tout à coup d'une vulgaire salle des fêtes désertée. On y ramasse les bouteilles vides et les cotillons. Aucun doute, le saint des saints du festival n'est plus l'endroit où il faut être.